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> Michel Kirch

Un nombre variable de prises de vue construisent aujourd'hui chacune de mes images.

Parfois une seule, parfois des dizaines.

Je ne suis pas dans le monde du témoignage, ou alors est-il tout à fait indirect et subjectif.

C'est la subjectivité qui m'intéresse...

Autrement dit la rencontre de deux univers, l'un extérieur, aussi appelé « réalité », l'autre intérieur.

Si l'image correspond à un paysage intérieur à la seule prise de vue initiale, alors pour moi 

l'image est construite. Il en était ainsi avant mon exploration du monde digital ; ce qui change aujourd'hui réside dans une moindre part de hasard, et donc une affirmation plus rapide de l'intention.

 

Mon paysage intérieur exprimé par une photographie est une géographie de l'âme tissée dans la matière du réel. Car le réel constitue la magie de la photographie... Construire une fiction avec les matériaux d'un réel incontestable est un défi extrêmement excitant. Quelque chose y est à l'oeuvre dont l'énergie conséquente est troublante. D'autant que je me suis imposé, dans la plupart des sujets, comme protocole de ne travailler qu'avec mes propres images. 

Le réel est un point de repère. Une borne incontournable. Sa définition est pourtant délicate. On s'accorde à donner le nom de « réel » à une vision, une situation, un paysage collectivement perçus ou ressentis. Une grille basique pour un groupe humain majoritaire. 

Ce qui importe réside dans la norme proposée (en général définie par les cinq sens humains), quitte à la transgresser en conscience. Car entre le « réel » observé et l'observateur quel qu'il soit existent des filtres qui reconstruisent de façon personnelle les éléments d'un réel aux contours à priori indiscutables.

 

En dépit de ces réserves, un « réel » est communément admis. Il semble même nécessaire à la cohérence sociale, comme l'est la perception du temps par un horaire défini. Et cette contrainte constitue un rapprochement subtil entre les hommes. S'en éloigner est un risque qu'ont pris les artistes depuis toujours. S'en éloigner tout en s'en référant, condition indispensable au partage, ouverture à une relativité privilégiant l'esprit sur la matière.

 

Lorsque je pars en « chasse »(en « quête » est parfois le mot, suivant l'humeur...), je fais en sorte d'évacuer le mental, aidé par des habitudes personnelles me permettant la déconnection totale. 

Comme si le mental entravait la surprise à venir en voulant prévoir, encadrer, fixer un objectif (termes liés à la technique photographique...). Dégagé de ce carcan, l'imaginaire se présente sous le déguisement du réel. Bien-sûr, à force de travail et de réflexion, des automatismes formatent un cadrage précis, suivent une ligne directrice, ou recherchent des situations attendues.

Cela s'appelle un style.

L'inattendu qui malgré tout se présentera lui conférera alors son énergie essentielle.

 

En fait j'ai toujours recherché, depuis mon premier appareil photo, ma propre vision du réel... Une sorte de lieu onirique (ou simplement personnel) caché sous les apparences, et que l'obstination du regard tente de mettre à jour, de révéler.

J'ai toujours cru à la possibilité d'un mystère sous-jacent qui rendrait dérisoires, ou du moins relatives, les pesanteurs du quotidien. De fuite au début, ce processus s'est transformé en quête. Il ne s'agissait plus de s'éloigner, mais au contraire de se rapprocher... Cet affût est ma respiration. Depuis l'informatique tout s'est accéléré, affirmé, libéré, mais le sens est resté le même. 

Certains sujets cependant n'auraient pas pu voir le jour sans l'informatique. De tous temps la découverte d'un outil (photoshop) a propulsé la créativité. En photographie cela a d'abord semblé suspect : une sorte de trucage insultant la vérité... Parce que longtemps la photographie a été dévolue au reportage, à l'ambition artistique ne dépassant pas le cadre de « l'esthétique ». En somme un parent pauvre et trop pressé de la tradition picturale. 

Après la découverte de l’outil informatique j’explore également l’outil WEB pour certains sujets bien spécifiques : en particulier pour « Homo Fukushima » dont le concept est de faire un sujet ayant pour cadre le Japon sans y être jamais allé. Je fabrique toujours mes fonds à partir de mes propres images sur des sols géologiquement identiques (volcanisme) et j’y adjoins, colle, insère, met en situation nombre d’images puisées dans l’actualité, présentes sur le net, que j’utilise comme de la matière picturale, et mixe à mes propres clichés. Ces ajouts sont des éléments informatifs, des ponctuations, je les transforme, les incorpore dans une énergie tout d’abord harmonieuse, mais, au delà, provoque ainsi une synergie dépassant et sublimant tous les éléments incorporés en une fiction réaliste. 

Mes images restent la fondation essentielle mais les ajouts informatifs ajoutent à l’oeuvre créée de l’inconscient collectif.

Il n’y a donc pas un besoin absolu de se déplacer aujourd’hui dans un monde à portée de doigts, sauf situations où le ressenti sur le terrain serait prédominant. Nous sommes là de plein pied dans le monde globalisé, relié et interconnecté, interdépendant et inter-responsable, où le virtuel et le réels n’ont plus de frontière bien précise, une méta-réalité dans laquelle je considère le matériel charriant le net comme une sorte d’inconscient collectif incarné.

 

J’ajoute donc à ces images, outre la révolution informatique, celle du WEB. 

Aujourd'hui plus personne n'en doute : une vérité n'est jamais absolue et un artiste a le devoir d'imposer la sienne.

Par tous les moyens...

 

 

Michel Kirch

 

 

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