> Giuseppe Cicozzetti
Nouveaux codes post-surréalistes
La photographie de Michel Kirch explore un univers exprimé dans différents langages interprétatifs par le biais d'une composition très rigoureuse. La poésie et la géométrie se rencontrent et dialoguent fortement : souvent dans un détail auquel on confie le sens immanent de l'absolu, souvent dans la complexité qui apparaît à l'observateur sous forme symphonique.
Observer son travail ne suffit pas, il faut le scruter jusqu'au bout afin de saisir l'accident, la transfiguration du réel.
Mais pour que le contenu soit saisi, il est nécessaire de comprendre les ingrédients culturels sous-jacents au travail de Kirch. Les thèmes écologiques, ou transcendants, ou encore plus strictement politiques, se rencontrent obligatoirement avec un système formel fluide dans lequel le dosage entre lumière et obscurité - qui à son tour cède la place à une échelle de gris jamais banale - joue avec des volumes contribuant à pacifier des éléments hétérogènes.
On assiste ainsi à l'irruption dans la scène d'une force déchaînée par l'intellect, une vigueur primordiale qui, une fois apprivoisée, obéit aux critères d'une composition finale capable de dépasser le vertige surréaliste pour devenir elle-même facteur de clarification.
Dans l'œuvre de Kirch, rien n'est laissé à l'improvisation, il n’y a pas d’accident temporel, de hasard ou d’occasion improvisée : tout est arrangé selon un ordre implacable, imprégné d'une sensualité inattendue et surprenante. Les équations, qui résonnent comme des poèmes de la métrique disruptive, sont écrites avec l'encre subversive de la lumière, et avec une cohérence linguistique qui a peu d'équivalents.
Entrainant l'observateur dans un labyrinthe dans lequel il se laisse infiniment perdre.
Dans chaque série, l'homme est presque toujours au centre de l'action. Il semble qu'il soit ici le pivot à partir duquel l'universalité s’enclenche, et, en même temps, le dualisme de la relation entre soi et le monde environnant. Jusque dans les compositions les plus conceptuelles, s’exacerbant, dans un cri glacial, vers une tentative de conciliation.
Et en effet chaque série est fatalement liée à la précédente et à la suivante, pour créer une «suite imaginative» où ancrer le sens le plus profond du thème.
Michel Kirch compose des œuvres à grande échelle. L'onirique se marie avec le réel et ils se rejoignent dans un long voyage où le monde tangible, vrai, se confond avec l'expressivité résolue de l'imaginaire ; et dans cet équilibre sensoriel, il est possible d'entrevoir les contours de l'absolu.
Et pas seulement formellement. Si la figure humaine est en fait au centre de la composition, cette «règle» doit être justifiée, de sorte que ce qui apparaît parfois comme une suspension équilibrée de corps tournoyants représente la juxtaposition d'éléments dans le même cadre expressif. Pas un rapport de forces, mais plutôt la dynamique de nouveaux équilibres durables. Et même lorsque la statique des corps en mouvement est représentée de façon hiératique, c'est à cette nouvelle équation homme-environnement que nous tendons.
Le travail de Michel Kirch est puissant. En quête constante de médiations entre l'ambiguïté du réel et une vision onirique, post-surréaliste, à la veine poétique indéniable. L'observateur sera saisi par un nouveau sens esthétique issu de la sublimation de ses convictions : ce qui apparaît dans les photographies de Michel Kirch se répercute à l’infini. Lui appartient le gong final que nous percevons comme une distance, presque le désir de ne pas prendre part au conflit… ne pas porter de jugement, et laisser chacun interpréter ses œuvres à partir de sa sensibilité propre.
Kirch virevolte alors avec l'habileté d'un jongleur, un maître de cérémonie qui s'attarde sur la composition d'une scène pour ensuite laisser les autres s’impliquer.
Nous sommes très impressionnés par le travail de Michel Kirch. Nous sommes impressionnés sur tout le parcours.
Giuseppe Cicozzetti